dimanche 19 octobre 2025

Sommeil, dépression et cerveau : ce que la cohorte ABCD apprend sur l’impact des écrans chez les jeunes

La cohorte ABCD, initiée en 2015 par les NIH, constitue aujourd’hui la plus vaste étude longitudinale jamais réalisée sur le développement cérébral, cognitif et comportemental des enfants. Elle suit plus de 11 800 participants recrutés à l’âge de 9–10 ans dans 21 centres américains afin d’assurer une représentativité sociodémographique. L’objectif est d’examiner pendant au moins dix ans les interactions entre facteurs biologiques, psychologiques, familiaux, scolaires et environnementaux dans les trajectoires de développement.

Le protocole est d’une ampleur inédite : imagerie cérébrale multimodale, tests neuropsychologiques, questionnaires parentaux et auto-rapportés, données scolaires, génétiques et environnementales. Cette richesse méthodologique, alliée à la taille de l’échantillon et au suivi longitudinal, confère à ABCD une valeur scientifique unique.

Les résultats disponibles se concentrent sur trois axes majeurs pour la santé publique : le rôle du sommeil, l’impact des réseaux sociaux sur la santé mentale, et les modifications cérébrales observables par IRM.

Concernant le sommeil, les données convergent : les écrans utilisés au coucher réduisent la durée et la qualité du repos. Les analyses transversales et longitudinales montrent que ces comportements entraînent, un an plus tard, davantage de troubles du sommeil. Ils sont aussi plus fréquents dans certains groupes sociaux et ethniques, indépendamment du revenu ou du niveau d’éducation. Le sommeil apparaît ainsi comme un maillon critique entre usage numérique et bien-être.

S’agissant de la dépression et de la suicidalité, l’étude établit un lien robuste et unidirectionnel : un usage intensif des réseaux sociaux à 9–10 ans prédit une augmentation des symptômes dépressifs trois ans plus tard, tandis que la dépression initiale n’accroît pas l’usage. Le temps d’écran global s’associe également à une hausse des symptômes anxieux et dépressifs. Plus encore, la qualité des expériences numériques joue un rôle déterminant : le cyberharcèlement est fortement corrélé au risque suicidaire, indépendamment du harcèlement hors ligne.

Les résultats d’imagerie cérébrale complètent ce tableau. Ils révèlent que le lien entre écrans et dépression est en partie médié par un sommeil écourté et une altération microstructurale du cingulum. D’autres travaux montrent qu’un usage intensif de vidéos ou de streaming prédit des troubles psychologiques et des altérations de la connectivité fonctionnelle cérébrale. Quant aux jeux vidéo, ils sont associés à de légères différences d’activation cérébrale, traduisant à la fois de petits gains cognitifs et certains effets comportementaux défavorables.

La discussion met en évidence trois points essentiels : le rôle central du sommeil, la robustesse de la relation entre réseaux sociaux et dépression, et la détection d’altérations cérébrales modestes mais cohérentes. Ces résultats doivent être interprétés avec prudence car les effets sont de faible ampleur et reposent souvent sur des auto-questionnaires. Cependant, leur accumulation à grande échelle leur confère une forte portée en santé publique.

En conclusion, ABCD met en évidence un modèle cohérent : les écrans perturbent le sommeil, ce qui contribue à l’augmentation de symptômes dépressifs et s’accompagne de modifications cérébrales observables. Même modestes au niveau individuel, ces effets deviennent significatifs lorsqu’ils se cumulent dans la population. Ils justifient des mesures de prévention ciblées : protéger le sommeil des enfants et adolescents, prévenir le cyberharcèlement, et accompagner les usages numériques dans une perspective éducative et de santé publique.

Retrouvez plus de détails sur le site du COSE : https://surexpositionecrans.fr/sommeil-depression-et-cerveau-ce-que-la-cohorte-abcd-apprend-sur-limpact-des-ecrans-chez-les-jeunes/

Suggestion de charte familiale d'utilisation des écrans